lunes, 1 de junio de 2015

Et maintenant.... Un poème


Télégramme de Dakar


Dans le noir, le soir, 
auto dans la campagne. 
Baobabs, Baobabs, 
baobabs, 
Plaine à baobabs. 
Baobabs beaucoup baobabs 
baobabs 
près. loin, alentour, 
Baobabs, Baobabs. 
Dans le noir, le soir, 
sous des nuages bas, blafards, informes, 
loqueteux, crasseux, 
en charpie, chassés vachement 
par vent qu'on ne sent pas, 
sous des nuages pour glas, 
immobiles comme morts sont les baobabs. 
Malédiction! 
Malédiction sur CHAM! 
Malédiction sur ce continent! 
Village 
village endormi 
village passe 
De nouveau dans la plaine rouverte: Baobabs 
Baobabs baobabs baobabs 
Afrique en proie aux baobabs! 
Féodaux de la Savane. Vieillards-Scorpions. 
Ruines aux reins tenaces. Poteaux de la Savane. 
Tams-tams morbides de la Terre de misère. 
Messes d'un continent qui prend peur 
Baobabs. 
Village 
Noirs 
Noirs combien plus noirs que de hâle 
Têtes noires sans défense avalées par la nuit. 
On parle à des décapités 
les décapités répondent en " ouolof " 
la nuit leur vole encore leurs gestes. 
Visages nivelés, moulés tout doux sans appuyer 
village de visages noirs 
village d'un instant 
village passe 
Baobab Baobab 
Problème toujours là, planté. 
Pétrifié - exacerbé 
arbre-caisson aux rameaux-lourds 
aux bras éléphantiasiques, qui ne sait fléchir. 
Oh lointains 
Oh sombres lointains couvés par d'autres 
Baobabs 
Baobabs, Baobabs, Baobabs 
Baobabs que je ne verrai jamais 
répandus à l'infini. Baobabs. 
Parfois s'envole un oiseau, très bas, sans élan, 
comme une loque 
Un Musulman collé à la terre implore Allah 
Plus de Baobabs. 
Oh mer jamais encore aussi amère 
Le port au loin montre ses petites pinces 
(escale maigre farouchement étreinte). 
Plus 
plus 
plus de baobabs 
baobabs 
baobabs 
peut-être jamais plus 
baobabs 
baobabs 
baobabs.

                                          Henri Michaux.




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